Ballroom Online

London Bridge

Iman Kerroua et Laetitia Gonzalbes

un ratage touchant

Nous voilà très embêtés. Mais vraiment très embêtés. Pas envie de vous dire du mal de cette pièce. Pourtant difficile de la sauver. Alors si, on peut dire que le travail en régie est fou. En une heure 20, il doit bien y avoir une trentaine d’effets, de changement de lumière, c’est hallucinant. Presque un travail d’orfèvre. En régie, ils sont au cordeau, à suivre le texte au mot près. Et la comédienne aussi. Ok apprendre un monologue, c’est plus simple que d’apprendre à donner la réplique. Mais tout de même, sacré boulot pour un sacré morceau. Et puis, elle passe par toutes les émotions, toutes les qualités de jeu. Démontrant tout son art. Et même la rigueur d’une chorégraphie qui se dessine à peine mais qui est bien là.

En dehors de ces morceaux de bravoure, souffrances. Déjà la présence du batteur-bruiteur au plateau… c’est un peu une tarte à la crème ce genre de propositions. Il est là et pas là en même temps. Il semble parfois s’ennuyer, comme nous. Et parfois il surjoue des réactions. Et il a des tics, des mouvements réflexes. Le bon côté c’est que ça donne envie de le regarder par moment, comme une respiration, mais à contre emploi pour le spectacle. Il est bon. Ce qu’il fait est intéressant. Mais il n’y a pas vraiment de justification à sa présence. Il fait diversion. Une jolie diversion.

Ensuite, il y a le propos… alors sûrement sommes-nous passés à côté. Les violences conjugales. Ok. Ça, sur le papier, tout de suite, ça impose le respect. Mais au final, le label ne garantit pas une bonne pièce. Celle-ci en est la preuve. Et c’est dommage. Parce que le propos est essentiel.

Mais tout ici se mélange et sans vraiment de point de vue. Violence conjugale donc, mais est-ce que le problème n’est pas plutôt la pauvreté puisque le personnage revendique de vivre au 15e étage d’une tour de cité. Est-ce que le problème n’est pas culturel lorsque le personnage évoque ses origines et prête à ses deux parents un accent maghrébin ? Ok, on répondra intersectionnalité. On répondra tentation autobiographique. Je concède. Mais elle nous parle de monstre et on ne sait pas ce que ce monstre est. Être femme ? Mais elle nous dit aussi qu’elle ne sait pas ce que c’est qu’être femme… et le sens de tout cela ? donc, on a vécu dans son enfance des violences conjugales, avec au passage aucune défense de la mère qui semble tout autant à blâmer que le père abusif, et on finit comme son père à être odieux avec les autres et à s’éclater dans un consumérisme vide ? Parce que notre père battait notre mère sous notre toit, que nous nous serions interposés, nous aurions raté notre vocation de devenir acteur et nous serions devenu un salaud de trader cocaïnomane ? Est-ce en fait la vie de notre cher Président qu’on nous raconte à grand renfort de gimmicks régressifs : bioman Dorothé albator et j’en passe, fan service pour les Quadra ? Et si les traders font des burn out c’est parce que dans leur enfance il ont vécu des traumas?

Pardon pardon, nous n’avons rien saisi à cette pièce et d’habitude, nous nous délectons de cette sensation-là. Nous détestons sortir d’une pièce en ayant eu le sentiment d’avoir été pris pour un débile à qui il faudrait apprendre quelque chose, la vie. Nous préférons mille fois sortir d’une représentation avec des questions. Mais avoir des questions, ce n’est pas n’avoir rien compris.

Thomas Adam-Garnung

vu à :
Théâtre de Belleville, Paris