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le petit chaperon rouge

Das Plateau

en analyse

Alors quand on nous a dit « le petit chaperon rouge », nous avons bondi d’un coup d’un seul, toutes griffes dehors. Vociférant que c’était bizarre de raconter encore ce conte, qu’il est absurde, raciste, sexiste, que si l’on veut dénoncer les risques d’agressions, il faudrait déjà rappeler que 80% ont lieu dans le cercle familial, non pas du fait d’étrangers, d’inconnus, mais bien de gens que l’on connaît et que l’on connaît bien. Qu’en ces temps où justement on essaie, par souci écologique, de réintroduire des loups et de révéler la cruauté de la chasse, il paraît à contre courant de faire résonner cette histoire. Que les loups chassent en meute et sont terriblement peureux. Et puis, nous nous sommes rappelé que Hobbes a dit que c’est l’homme qui est un loup pour l’homme et que si Das Plateau reprend cette histoire ça ne peut pas être pour en faire ce que l’on en fait habituellement. Nous aussi nous avons de grands yeux.

Ça commence par un costume que l’on raccommode, cette cape, déjà celle d’un super héros ? Un fil que l’on tisse et coupe, comme le ferait les Parques. Surtout une manière de nous dire que l’histoire est éculée, qu’elle a vieilli et que sa charge symbolique s’est déplacée. Le miroir en surplomb qui dédouble la scène ne dit pas autre chose. Que tout ici est symbole, mais un symbole inversé presque, tête en bas, monde à l’envers. Et les 3 coups iconiques du théâtre finissent par nous dire qu’ici il ne s’agit pas de conte, mais de représentation : rendre présent à nouveau ce qui ne l’est plus, ce qui est absent. Faire image. Dans ce reflet.

En répétant et répétant « forêt profonde » et « le sentier dans la forêt profonde », les deux acteurs au plateau semble signaler qu’on creuse jusqu’aux fondements de l’inconscient, qu’ici tout est analytique, ou presque. D’ailleurs on voit l’acteur se vêtir lui-même de la peau du loup, transfert de Peau d’âne dans le reflet du miroir d’Alice. Dépouille du loup qui déjà dit que le monstre est mort, qu’il n’est qu’un masque, un déguisement. L’actrice aussi dit deux fois le texte, maquillant, grimant sa voix la seconde fois. Tous les artifices sont à vue. Car tout fait sens. Sans dire ce sens. Jusqu’à cette sortie du chaperon rouge réduit à n’être plus qu’un bout de tissu vermillon d’entre les cuisses du loup. Jusqu’à cette scène finale où comme une boucle c’est la peau du loup qu’on raccommode avant d’en affubler l’actrice, puis le mannequin représentant l’enfant qu’on manipule. Est-ce que la leçon à tirer, la morale c’est qu’il faut devenir soi-même le bourreau ? Ou est-ce qu’il ne faut pas s’écarter du chemin ? Nous répondrons que la morale c’est qu’il ne faut pas répondre aux questions mais les laisser résonner. 

Thomas Adam-Garnung

vu à :
Théâtre Montfort, Paris
photographie :
Simon Gosselin