Fortune - récits de littoral #2
Jennifer Cabassu et Théo Bluteau
Révoltez vous !
La scénographie est déjà là, à vue, superbe. Une installation d’art contemporain parfaite. Des feuilles de palmiers suspendues dans les airs sans tronc. Une méridienne en plastique. Des verres à cocktail. Médiocrité et petitesse. Surtout une vague géante faite d’un tulle translucide crème et d’une bâche plastique transparente. Et puis il y a cet habillage sonore de la pièce qui à la fois sait se faire oublier et permet le voyage tant il rend compte de la chaleur moite des Tropiques. On est en 2004, au lendemain du tsunami qui a ravagé les côtes pacifiques de l’Asie. Et voilà que surgissent deux acteurs magnifiques qui jouent tout en nuance et second degré pour imposer la distance nécessaire à un texte âpre, sombre et brillant comme un Houellebecq.
Empêtrés dans le cynisme du capitalisme, ils tentent malgré tout de s’aimer. Lui a survécu indemne au cataclysme, mais pas ses rêves : les baleines tueuses qu’il avait dressées et dont il souhaitait vendre le sperme sont mortes, dévorées par des varans dans des cris dont la seule évocation nous glace le sang. Elle, elle profite de l’expropriation des pêcheurs locaux pour s’accaparer leurs terres inondables et faire construire sur les cadavres des victimes de la catastrophes des hôtels de luxe pour occidentaux inconséquents. Ils finissent submergés par des fortune cookies, enfin les enveloppes dorées de ceux-ci, semblant nous dire que ce n’est pas la nature qui participe de l’horreur du monde, mais bien le marché, sa loi aveugle et inhumaine. Et le plastique. Oui, révoltez-vous !
Thomas Adam-Garnung