Mozart à 2 & Beethoven 6
Malandain Ballet Biarritz
Ballet à l'infini.
Pour célébrer la trentième édition du festival Le Temps d’aimer la danse, Thierry Malandain nous a gratifié d’une soirée de gala inaugurale, à l’ancienne gare du midi de Biarritz. En première partie, le public venu nombreux a pu voir ou revoir sa série de duos basés sur les concertos pour piano et orchestre nos 2-3-23-4-15&16-21, sobrement intitulée Mozart à 2. Il a pu découvrir ensuite, après celui de Chaillot, la création Beethoven 6 inspirée par La Pastorale. Autant dire que la salle comble, quelques jours avant le passage de la cité balnéaire en zone « rouge », a fait un triomphe aux deux ballets néoclassiques adaptant les bonnes feuilles de compositions classiques.
Dans les deux cas, Malandain suit fidèlement la partition, sinon note à note, en en respectant la rythmique et l’esprit. Cependant, il renouvelle constamment le vocabulaire chorégraphique classique dont il use comme d’une contrainte créatrice. Il se montre, pourrait-on dire, plus inventif que bien des chorégraphes dits « contemporains », chiches en idées et en trouvailles. Il s’autorise des écarts, des incartades, des extravagances, sans verser dans le kitsch. Son humour sied à l’esprit mozartien et il combine avec légèreté les manigances de l’amour et du hasard, sujet de chacun des six morceaux choisis qu’il détourne en autant de duos déconcertants. Il aère la 6e symphonie, l’enrichit d’une variété de danses puisées à toutes les sources : aux Ländler, aux rondes enfantines, aux farandoles, aux chorus lines du music-hall, aux contorsions circassiennes, à la danse libre d’Isadora à qui il emprunte la règle spartiate des déchaussés et les tuniques à la grecque.
Malandain innove dans le langage du ballet sans aller jusqu’à le mettre en cause ou en crise, ce qui explique en partie le succès de ses spectacles auprès d’une audience qu’il a su apprivoiser avec les ans. Sans prosélytisme, il milite pour la cause gaie, dans tous les sens du terme, valorisant les hommes jadis réduits au rôle de porteurs ou de faire-valoir de prime ballerine. Au cours de la soirée, se sont succédé en un perpétuel mouvement exercices au sol, reptations, génuflexions, roues et roulades, sauts de toutes sortes, passages en demi-pointes, postures de yoga, gestes quotidiens stylisés, gifles sonores réellement portées, pantomimes, réflexes mécaniques, suites gestuelles dos au public, danse-contact, danse animalière, ponts, hochements de tête, ralentis, frappes du talon, déhanchés. Ces extravagances ouvrent l’art du ballet à l’infini.
Nicolas Villodre