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Sismograf

images d'Olot

Secousses instantanées

Vous ne connaissez pas Olot? C’est un tort à réparer lors de vos prochaines vacances en Catalogne, Olot est une ville précieuse. Preciosa en castillan & catalan. Belle, rare et élégante, offrant la verdure à son centre historique, au pied des volcans du pays de la Garrotxa. Les industries qui ont fleuri le long du Riú Fluvia ont généré l’installation de classes aisées, marquant l’architecture du goût moderniste, et la lente transformation actuelle de ces divers bâtiments accueillant usines de textile imprimé, fonderie de cloches, sculpture de saints (et en particuliers la grande réputation des auréoles, sic), laisse un étonnant mélange de soin et d’abandon. Car la nécessité de développer le dessin pour ces fabrications, a progressivement permis l’ouverture d’une école d’art et une école du paysage assez réputée. Olot aime l’art et ça se voit partout, à travers la politique urbaine des rues et places, le design interventionniste, les musées, le calendrier culturel, et la présence de l’architecture contemporaine dont l’agence RCR (Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta), qui a reçu le prestigieux prix Pritzker en 2017, installée dans le superbe Espace Barberí, auteurs du Musée Soulages à Rodez en France et d’une étonnante piste d’athlétisme incorporant un morceau de forêt autour d’Olot, n’est pas la moindre digne représentante.

Le festival Sismograf, épicentre de la danse contemporaine qui y a lieu chaque année en avril depuis 2009 avait bien sûr été un des premiers à être annulé en 2020 à cause de la pandémie même si une version professionnelle online avait été inventée pour quelques jours. A cet effet avait été d’ailleurs réalisé en 3 jours express depuis la base de confinement à Reillanne dans le Luberon (04), le petit film EXIT – Sismograf Street Pantone avec le tissu acheté spécialement de la couleur de ce festival qui décline toujours sa communication en bleuvert d’eau turquoise. Cette année du 8 au 25 avril 2021, le festival a bien lieu mais lors de 3 grands week-ends étalés du jeudi au dimanche, plus deux spectacles isolés du 29 avril au 2 mai, et pour la première fois, dans plusieurs villes de la comarque/région volcanique environnante. Ré-invité pour l’ouverture à performer dans le cloître de l’ancien Hospici, j’ai pu assister à quelques pièces du premier week-end, et vivre ce qui semble inimaginable en France en ce moment, des regroupements de gens au spectacle, masqués, distanciés par groupe, comptabilisés certes, mais autorisés à voir des propositions qui continuent de chercher les possibles de la danse, émeuvent, surprennent ou indiffèrent, invitent au mouvement, mais surtout stimulent incroyablement l’imaginaire et notre besoin de contact, tout ce qui manque dans cette période de sécheresse culturelle et sociale.

Le festival «que detecta el moviment» ajoute partout à sa devise: Puja aquí dalt i balla! Grimpe ici et danse! Formule sublimée d’ailleurs par la proposition inattendue en proximité de Antes Collado, Crisálida, enfermé dans une cage transparente sur deux côtés où il oscille entre plusieurs formes vivantes dont un homme lichen camouflé dans les branchages et un cow-boy de jeu video perdu dans un désert rocailleux artificiel, qui cherche absurdement et bruyamment à s’extirper de son propre zoo jusqu’à en trouver la porte dissimulée sans pouvoir en sortir. L’admirable performance de cet artiste plasticien et penseur (https://en.antescollado.com/crisalida) nous tient en haleine par son engagement physique épais, ses gestes saccadés en play, pause & rewind, ses prouesses d’animal préhistorique et la suspension finale dans sa splendide chrysalide blanche qu’il ne quittera pas avant que le public ne soit lui-même sorti de la Carbonera, la chaufferie se trouvant sous le Théâtre Principal de la ville.

Au milieu de la Plaça de Braus (= de Toros), ce sont quelques duos d’émotion à ciel ouvert que découvre le public installé à même l’arène. Cossoc (jeu de mot sur cossos = corps) de Magí Serra et Anamaria Klajnšček revisite la beauté de l’entrelacement des corps habitués aux contacts subtils, aux portés équilibristes, à l’acro-yoga sensuel évocateur de tout un monde yin et yang. La musique de Santi Careta accompagne dans les moindres détails cette aventure à deux, adroite, adressée, harmonieuse terminant dans les hauteurs du gradinage, où quelque mouette – dont on entend régulièrement les cris à Olot, allez savoir pourquoi à 80 km de Cadaqués dans les terres catalanes – s’est posée avant eux. Magí Serra est par ailleurs un magnifique improvisateur avec le musicien Arnau Obiols et le vidéaste Pepe Camps dans leur film Brots Transhumants (Pousses transhumantes) issu d’un trek de 6 jours, qui magnifie la nature et le vivant.

Pour clore ce premier week-end le luxuriant Parc Nou (Nouveau) accueillait l’itinéraire de danse avec cinq formes courtes dont le dépoussiérant Wild Street (clin d’oeil au néolibéralisme sauvage de Wall Street) par le jeune collectif Led Silhouette, à suivre par leur fusion des genres classico-yoga-contactotemporains empreint de militantisme de toutes minorités, et d’humour quand un pizza bag livré casqué en plein milieu de leur danse devient au final un barbecue à l’épaisse fumée noire alors que nos cinq larron-nes saluent en s’étouffant avec leurs hamburgers. Et pour terminer en joie avant la pluie menaçante, la compagnie Sebastián García Ferro s’empare de nos chers dancefloor officiellement disparus depuis un an, et invite bien sûr dans Upper Vol.1 une partie du public à rejoindre ses 3 gogo danseuses de terre-plein et son dj multicolores pour une classe spéciale d’aérobic… que tout le monde (vraiment?) peut faire! Rendez-vous donc sur https://www.sismografolot.cat/en/sismograf/espectacles/# pour connaître toute la programmation, le blog et les photos des spectacles passés et à venir, pour s’y rendre éventuellement dès ce mois-ci afin de réveiller votre volcan sismographique, ou vous donner envie d’y vibrer l’an prochain puisque le festival souhaite prendre un sérieux virage au vert, en couleur et en conscience, s’engager vers la durabilité, et interroger les formats écologiques du spectacle vivant.

 

Gilles Viandier

vu à :
Olot
photographies :
Martí Albesa Castañer - Street Pantone / Gilles Viandier