Enfants sauvages
Cédric Orain
l'appel de la forêt
Cédric Orain, s’inscrivant dans les pas de Truffaut, réunit deux histoires vraies d’enfant sauvage pour en faire une troisième. Celle de Victor de l’Aveyron et celle de Kaspar Hauser. Il nous raconte l’histoire d’un enfant de douze ans, aperçu galopant nu comme un animal dans une forêt et qui ne sera capturé qu’au bout de trois jours de battu. Il est dépourvu du langage, n’émet que des sons, sinon des cris. Il est exposé comme une bête de foire. On tente de le socialiser. Et à force de le policer, il perd ses atouts, sa dextérité, sa grande sensibilité. Le spectacle semble poser la question de l’éducation, ce qui est relativement à propos pour des publics scolaires. Est-ce qu’on naît homme ou est-ce qu’on le devient ? Et en le devenant, ne perdons-nous pas une part essentielle de nous-mêmes? Le texte a le mérite de laisser la question résonner. D’autant que de prime abord, la salle remplie d’enfants, oui j’ai assisté à une séance en après midi, se met à se moquer allègrement de l’enfant sauvage, démontrant par là même la cruauté presque barbare dont font preuve ceux qu’on pourrait croire civilisés avec des guillemets bien sûr. Car en fait le texte va plus loin, au delà d’interroger qu’est-ce que grandir, quelle est la place d’autrui dans l’apprentissage, qu’est-ce que se socialiser veut dire, qu’est-ce que le refus de l’enfant, il pose la question de l’humanité, qu’est-ce qui fait de nous des hommes. Une question somme toute périlleuse, on le sait. Là encore Cédric Orain ne répond pas. Tout reste en suspend. Le spectacle reste en surface, un peu comme la scénographie qui présente une maison réduite à ses poutres. On aimerait plus de matière, plus de parti pris. Mais c’est un spectacle jeune public, il est véritablement là pour susciter la réflexion, pas pour édifier les consciences en étant dogmatique. Et c’est salutaire. Surtout il faut souligner le talent des trois interprètes, David Migeot en tête, qui multiplie les registres avec précision et humour, Laure Wolf dont la voix presque enfantine tombe si juste, et l’accrobate circassien Petteri Savikorpi qui rend compte à la perfection de la gestuelle propre à l’enfant sauvage. Une pièce à voir pendant les vacances.
Thomas Adam-Garnung