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Best Regards

Marco d'Agostin

promesse toujours différée

Nous avions découvert Marco d’Agostin en 2017, lors du concours (Re)connaissance. Il incarnait alors l’énergie frondeuse d’une jeune scène européenne, entre insolence et autodérision. Huit ans plus tard, rien n’a vraiment changé : l’artiste reste à la fois reconnu et marginal, promis à l’émergence comme d’autres à la quarantaine. Une carrière déjà longue, mais toujours assignée à la promesse : celle d’un chorégraphe qui semble ne jamais parvenir à passer le seuil.

Best Regards se présente comme une lettre à Nigel Charnock, cofondateur de DV8, mort trop tôt et devenu figure tutélaire. On aurait aimé une déclaration d’amour, un élan vital, une correspondance brûlante ; on assiste plutôt à un hommage feutré, poli, presque administratif. D’Agostin parle, chante, s’exhibe, joue au cabotin sur un plateau saturé d’objets dérisoires : bâton de majorette, confettis, sabre laser. Il accumule les clins d’œil comme d’autres collectionnent les filtres : l’irrévérence sans la morsure, le queer sans la subversion, la paillette sans le trouble.

Et pourtant, derrière la surenchère, quelque chose résiste : une fragilité, une sincérité maladroite qui touche. La chanson finale, un peu kitsch, un peu trop longue, finit par émouvoir justement parce qu’elle ne tient à rien. Sous les artifices affleurent les questions essentielles : que reste-t-il d’une rencontre quand l’un des deux a disparu ? Que transmettre quand la danse, art du présent, s’épuise dans l’instant ?

Ce solo, mine de rien, met le doigt sur la faille de tout un milieu : celui d’une danse contemporaine européenne qui glorifie la mémoire tout en l’effaçant. On célèbre les disparus, mais on ne leur succède pas ; on recycle les gestes au lieu de les prolonger. Best Regards n’échappe pas à cette mélancolie : il tente de raviver une flamme éteinte en soufflant dessus avec des paillettes.

Reste un spectacle touchant, fragile comme une correspondance ouverte trop tard : une lettre écrite à l’encre sympathique, qui ne se révèle qu’à la chaleur du manque.

Thomas Adam-Garnung

vu à :
Théâtre de la Ville, Paris
photographie :
Alice Brazzit et Roberta Segata