Deux mille dix sept
Maguy Marin
S'engager
En regard de toutes ces créations lénifiantes qui n’appellent surtout pas à la réflexion, convoquant par ici des danses traditionnelles bien consensuelles, ou par là des amateurs garnissant de façon peu onéreuse un plateau, il y a cette nouvelle pièce de Maguy Marin qui dézingue à tout va la mondialisation, le capitalisme, les riches. Avec elle, on sait que ce sera politique, mais là, elle n’y va pas par quatre chemins. C’est frontal, d’une clarté froide et limpide même si les images peuvent, heureusement, prêter à interprétation. Elle y expose l’indécence des nantis, exilés fiscaux, consommateurs de luxe, animateurs des lobbys dont nous souffrons tous (l’armée, le nucléaire, le pétrole, la voiture, les media…) exécutant une danse m’as-tu vu et futile, farandole qui fait écho à Bit, une de ses dernières pièces. Le son est assourdissant, écrasant, comme pour dire l’horreur face à la mise en place par les Occidentaux de dictatures dans les pays du Sud, masquant le pillage des matières premières et l’esclavage des populations locales. Des stèles recouvrent bientôt le plateau, entravant la danse mais dénonçant bien la mort de ces états et de ceux qui n’ont plus que leur prénom. Et la crise économique qui semblait pourtant renverser la domination de l’argent-roi et du patriarcat ne bénéficie finalement qu’aux riches, toujours plus riches, formant un mur infranchissable, impressionnant de milliardaires. Ce spectacle n’apprend rien, il enfonce des portes grandes ouvertes, a même un côté vieillot avec son évocation des régimes post coloniaux et semble un peu déplacé là au milieu du grand plateau de la Maison des Arts de Créteil face à ce public chenu, plutôt bourgeois. Mais il frappe juste avec son esthétique qui emprunte à l’absurdité de Jacques Tati, sans l’humanisme de celui-ci : on ne rit pas et on sort de là avec un sentiment d’impuissance et d’injustice qui pousse paradoxalement à l’envie de s’engager.
Thomas Adam-Garnung